Histoire d'urgences
Patrick Pelloux dans le numéro 1178
JE TU IL NOUS VOUS ILS SUIS CHARLIE
Ma semaine a été trop chargée, alors je vais faire un chronique sur la nécessité de profiter de la vie, un texte fédérateur sur l’humanisme, des mots qui pourraient obtenir un prix dans un Salon de L’agriculture de la littérature. Mais avant tout, je tiens à exprimer ma colère contre mon téléphone, qui malgré un abonnement très couteux, ne fonctionne pas ! Charb n’arrive pas à me joindre ! il devait venir diner, comme il me dit chaque fois ou des dessins à rendre pour la CGT ou l’Huma. Pas un SMS, son portable doit être en passe. De toute façon , ses mousquetaires veillent sur lui, alors je m’inquiète pour rien, comme il me dit. En attendant je vais faire ma chronique.
Pleurer des yeux à faire reverdir les désert avec les paysages les plus beaux. Pleurer de mon âme pour changer le cours des choses, pleurer de mon corps pour en sortir une énergie si grande que… Quelle heure est il ? je vais jamais finir à temps pour le bouclage du journal et Charb va encore m’engueuler en disant : « Chouchou, travaille ! »
DEMAIN IL NE REVIENDRA PAS
D’ailleurs, ne pas oublier : il faut que je passe acheter des gâteaux pour Cabu, car il ne mange que ça et il doit revenir dîner à la maison dans la semaine. Nous parlerons de Trenet, et je jouerai à lui faire deviner des morceaux de jazz et il gagnera. Avec sa coupe à la Beatles, j’ai toujours l’impression d’avoir McCArtney à table ! il doit être au canard enchaîné, c’est pour ça que je ne le vois pas. Le monde moderne est lourd en ce moment, je ne sais pas ce qui se passe, la météo peut être… je vais finir par trouver de l’intérêt de toutes les drogues ! mais je rigole, je dis ça pour patienter le temps que mon frère me rappelle ! pourtant c’est rassurant, le pape, Obama, les imams, les palestiniens, les juifs, des pompiers, des policiers, des enfant … tout le monde parle de Charlie Hebdo ! Le journal a dû faire un truc incroyable, pour qu’ils aient une telle couverture. Charb va être content, car les ventes vont remonter et on va pouvoir tenir la ligne du rire et du sourire face au front de la morosité et du noir de la crise. Ah, c’est bon, ça : le bonheur a toujours de la couleur, et le noir doit quitter son identification à la tristesse. Les dictatures ne font jamais rire ni sourire le peuple. Seules les démocraties font rire et ces visages réjouis nous différencient de nos masques de mort.
c'est pas mal comme idée, faut que j'en parles à Elsa.
Elle va me hurler que c'est génial! et quitte à avoir un sonotone, autant que ce soit par les paroles généreuses et intelligentes d'une psychanalyste! Mais je comprends pas pourquoi ils me rappellent pas. En même temps, ça me laisse du temps, pour commencer ma première correspondance avec Oncle B
Faut que je lui dise que je l'aime, j'ai oublié l'autre jour, lorsqu'on a décié de faire ce livre qui va faire date pour casser la tarification à l'activité dans les hôpitaux, appeler à la Sécurité Sociale mondiale, gueuler contre le lobby de l'industrie du médicament, remotiver les politiques sur le fait que la santé n'est pas une marchandise, prôner une société humaniste, que l'économie serve l'humanité et pas le contraire.
Nous en avons parlé l'autre jour, à la petite fête de Charlie. Bon, certes j'ai eu un peu mal au crâne à cause du vin que j'ai bu avec mon Tignous.
je lui ai laissé un message à mon Titi,pour lui dire que j'ai encadré son dessin si drôle, c'était peut être dans Marianne... Je dois être fatigué, car il y a des choses dont je refuse de me souvenir. Il va encore me dire qu'il m'aime pour avoir une ordonnance, mais il tarde toujours à rappeler.
il y a quelque chose qu'ils m'auraient caché?
Mais je m'inquiète toujours, vous savez...
A ce propos, l'autre fois, Honoré m'a proposé de passer à une expo d'un de ses amis. Se promener avec lui, c'est toujours marcher avec une encyclopédie de culture.
D'ailleurs, il est aussi beau que ses dessins.Il a une classe incroyable comme Georges. il faut que je lui dise les progrès de la médecine sur la sexualité. Je lui ai laissé un message pour dîner avec lui et parler de la beauté des femmes!
Il doit être content que la situation à Cuba s'arrange.
Mais il est tard, et je ne comprends pas pourquoi c'est ma première chronique écrite en larmes. Le son de leurs voix ressemble au silence. J'ai froid. J'ai envie de vomir. Il doit y avoir une fête quelque part où ils sont tous allés...
Un oiseau a voulu me le dire, non?
Mais où est Mustapha, mon maître des dictionnaires? Mes fautes ne partent plus! Et Charb n'arrive pas à me joindre...
Je vais finir par péter la gueule aux nouvelles technologies!