Confédération
Paysanne 22
Saint-Brieuc, le 22 avril 2011
LETTRE OUVERTE
AU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE LA SAFER-BRETAGNE
Les membres du Conseil d’administration de la SAFER réunis le 3 mai prochain s’apprêtent à
attribuer la ferme de Ty Losquet sur la commune de Grâces à l’un des 3 candidats à l’installation
retenus.
Le Comité technique de la SAFER a émis un avis d’attribution à une candidate dont les parents
d’une cinquantaine d’années sont installés sur une exploitation de 95 ha avec 310.000 l de quota
laitier et un poulailler de 1 200 m² de dindes de chair. La Communauté de communes de Guingamp
vient récemment de lui attribuer 14 ha de terres en location, ce qui porte la surface de l’exploitation
à près de 110 ha.
Nos organisations, unanimes, considèrent que cette exploitation agricole est suffisamment
développée pour qu’elle soit en mesure d’attendre désormais une éventuelle autre opportunité pour
résoudre ses problèmes de réaménagement foncier, que personne ne songe à nier, tout en
permettant l’installation progressive de cette jeune femme. L’objet de l’attribution est l’installation
et non pas le regroupement des terres. Nous notons que le candidat à l’achat des terres est le père,
la fille étant candidate à l’achat des bâtiments, ce qui nous laisse perplexe.
Le second projet d’installation équin ne nous paraît pas être une priorité pour l’activité agricole,
aussi, sans l’écarter a priori nous pensons qu’il peut aussi attendre une autre opportunité.
Face à ces deux candidatures, deux jeunes femmes, avec conjoints et enfants, ont un projet
d’installation avec brebis laitières en agriculture biologique, avec transformation à la ferme et
vente directe. Elles ont un accord bancaire de financement, leur projet est viable ! Pour elles qui
ont visité de nombreuses fermes, le site avec les 12 ha de terres groupées est idéal, à proximité de
Guingamp avec des bâtiments facilement aménageables pour abriter leur troupeau, mais aussi pour
y aménager leurs habitations. Elles ne sont pas filles d’agriculteurs, aussi, pour elles, mettre la
main sur les premiers ha est une véritable épreuve conditionnant leur installation. Ces candidates
hors cadre familial, en production bio et vente en circuit court sont en plein dans les débats qui
animent la profession et la société. Quel message recevraient les candidats hors cadre familial,
appelés à la rescousse par tous pour renforcer les installations si une fois encore certains d’entre
eux se voient refuser l’accès au foncier ?
Quel message le public recevra-t-il si une installation en production intensive se voit préférée à une
installation en agriculture biologique au moment de la mise en musique des objectifs du Grenelle
de l’environnement et en plein débat sur les algues vertes ?
RTF
Il est urgent pour l’avenir et l’image de la profession agricole que les jeunes candidats à
l’installation soient véritablement accueillis et non pas comme trop souvent considérés et traités
comme des gêneurs venant contrarier les plans d’agrandissement de certains agriculteurs en place.
Les stratégies de restructuration individuelles d’exploitation déjà développées ne doivent pas
primer sur l’installation en agriculture.
L’urgence est à la création d’emplois dans le secteur de la production. De quel crédit la profession
qui se plaint de manquer de main d’oeuvre pourra-t-elle se prévaloir demain si elle refuse d’intégrer
ceux qui veulent y travailler ?
1 600 exploitations se libèrent tous les ans et vont, pour la plupart, à l’agrandissement. Alors,
lorsqu’un projet d’installation nouveau voit le jour, il serait urgent de le considérer comme étant
d’intérêt public. Ici ce sont deux emplois sur une structure peu gourmande en foncier qui
dépendent de votre décision.
De nombreux pays, tout comme celui de Guingamp, ont inscrit dans leur charte la volonté de voir
se développer sur leurs territoires une agriculture diversifiée, à même de répondre aux besoins de la
population locale tout en étant un exemple en terme de respect de l'environnement. Ces aspirations
mobilisent beaucoup d'énergie ainsi que des moyens financiers importants via des programmes
financés par l'Europe, le Conseil Régional et les Conseils Généraux bretons, ou encore les
Communautés de communes... Pour quels résultats si les organismes tels les SAFER font obstacle
à des projets répondants aux attentes des citoyens ?
Enfin, pour tordre le cou à un argument qui circule et qui tente de décrédibiliser Coline et Gaël,
elles se sont bien intéressées à une ferme sur la commune de Trédrez Loquémau. Suite aux
nombreux contacts qu’elles ont pris avec des élus pour les informer qu’elles recherchaient un site
pour s’installer, Joël Le Jeune, le maire de Tredrez leur a signalé une ferme qu’elles sont allées voir
et qui s'est avérée sans siège d’exploitation. Les héritiers ont en effet racheté la maison d'habitation
située, qui plus est, en plein dans un village densément peuplé. Du coup, leur bel espoir s'est envolé
rapidement en fumée, faute de réunir les conditions d'habitat indispensable à l’installation des deux
familles. Laisser entendre qu’elles font les difficiles ou qu’elles ne savent pas ce qu’elles veulent
est donc très tendancieux.
Nous vous demandons donc d’attribuer la ferme de Ty Losquet à Gaël et Coline en vous annonçant
que nous faisons et que nous ferons de ce cas particulier un symbole des difficultés rencontrées par
les porteurs de projet de ce type d’installation, ce que nos organisations dénoncent régulièrement.
François Salliou,
Président d’Accueil Paysan
Rémi Le Mézec,
Président d’Agriculture paysanne
Dominique Le Calvez
et Patrick Thomas,
co-présidents du CEDAPA
Gérard Bricet,
Président de la FRCIVAM
Thierry Thomas,
porte-parole de la
Confédération Paysanne
Erwan Kergadallan,
Président du GAB d’Armor
Korentin le Davay ,
responsable départemental du MRJC
Emmanuel Louail,
pour le mouvement RTF
Jean-Sébastien Piel,
co-président de Terre de Liens Bretagne